Mardi 23 juin Sabine Ferrand-Nagel est intervenue au congrès national de l’Association Française de Sciences Politiques à Aix en Provence au cours d’une session thématique consacrée à la question « peut-on parler de régions-providence ? ». Son intervention portait sur « État, régions et villes : la longue marche de la territorialisation de la politique de santé ».
Après avoir rappelé que si la politique de santé française est d’abord depuis toujours une prérogative de l’État, la nécessité d’une cartographie et d’un découpage sectoriel du territoire est apparue avec la loi hospitalière de 1970 afin de rechercher une répartition équitable des moyens. Viennent ensuite les schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS 1, 2 et 3) et les ARH, agences régionales de l’hospitalisation. La loi HPST de 2009 consacre les Agences Régionales de Santé, qui confirment un élargissement au delà de l’hôpital à tout le champ sanitaire et médico-social. Les questions contemporaines des déserts médicaux et de la liberté d’installation sont au cœur de ces débats sur l’organisation territoriale. Le territoire est devenu le cadre réglementaire de l’organisation de la santé en France, à la fois élément structurant et espace de coordination.
Cette territorialisation relève d’abord d‘un mouvement Top-Down, plus précisément d’une déconcentration : l’État, impuissant à réguler véritablement le champ sanitaire, dont en particulier la partie libérale du système de santé, a cherché dans la proximité le moyen de lever les blocages. C’est bien l’État qui a la main sur les ARS, cette régionalisation s’est faite sans la Région, les Conseils Régionaux, qui n’ont reçu aucun transfert de compétence dans ce mouvement. Le pilotage reste national, et la déconcentration n’a pas résolu les dysfonctionnements dus en réalité au double pilotage Etat/Assurance maladie et aux nombreux « tuyaux d’orgue » du système de santé.
Pourtant, régions, départements et plus encore villes sont des acteurs forts des politiques sociales, experts de leurs territoires lorsqu’il s’agit de construire des politiques autour des populations fragiles et des quartiers sensibles. Les villes en particulier ont élaboré de nouveaux outils pour répondre aux besoins multidimensionnels des populations. 81 villes françaises et 5 agglomérations adhèrent au réseau des Villes-santé de l’OMS, beaucoup ont créé des Ateliers Santé-Ville (ASV) et signé des Contrats Locaux de santé (CLS). Ce foisonnement des acteurs locaux rencontre celui des professionnels, généralement des mêmes quartiers ou des zones rurales en cours de désertification, qui innovent eux aussi pour répondre à ces besoins locaux en créant de nouvelles organisations de santé, les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) et des Pôles de santé. Le territoire est aussi un écosystème innovant rassemblant des acteurs très variés autour de la question majeure de la coordination de leurs actions. Les ASV font aujourd’hui partie des outils des politiques de la ville et les MSP ont été intégrées au Code de la Santé Publique, dans un mouvement Bottom-Up de reconnaissance de ces innovations organisationnelles majeures. Pour autant, très inégalement réparties sur le territoire, ces innovations, qu’elles soient menées par les collectivités territoriales ou les professionnels eux-mêmes, continuent d’entretenir les disparités régionales fortes du système de santé français.